PROLOGUE
Quelque part, un crime se préparait.
Profitant cette chaude nuit d’été, un être malfaisant était en train de
mettre au point un plan pour perturber la tranquillité de la ville de Musica et
de ses habitants.
Du moins, c’est ce que pensait une jeune femme qui, accompagnée de son
petit frère, veillait sur sa ville depuis le toit d’un immeuble de la zone
résidentielle.
— Observe notre ville, Croche... Si paisible en apparence, mais toi
et moi savons bien que ce calme est uniquement dû à l'inquiétude de ses
habitants qui préfèrent rester cachés chez eux, déclara Mélodie de manière inquiétante.
Les joues et le nez parsemés de taches de rousseur, Mélodie était aussi
dotée de cheveux roux rebelles qui lui tombaient sur la nuque, ainsi que d'une
mèche au-dessus de la tête qui semblait avoir décidé de vivre sa propre vie.
Son petit frère, Croche, aurait pu lui signaler que si la ville était
déserte à une heure et demie du matin, c'est parce que la plupart des gens étaient
dans leur lit en train de dormir. Il renonça toutefois à cette idée car s'il y avait
bien une chose qu’il savait à propos de sa sœur, c'est qu'il était complètement
inutile d'essayer de la raisonner quand elle se mettait une idée de ce genre en
tête.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils étaient tous les deux en
train de faire le guet si tard le soir sur le toit de leur appartement, au lieu
de dormir.
— Je sens que quelque chose se prépare dans l'ombre, Croche. Un
super-vilain doit être en train de manigancer un plan démoniaque pour conquérir
le monde. Mais moi, Mélodie, la super-héroïne attitrée de Musica veillerai
toujours à la sécurité de ses habitants.
Même si s’autoproclamer “super-héros” semblait exagéré, il y avait une
part de vérité. Mélodie et Croche venaient justement d'être engagés par la
police de Musica, où ils commenceraient leur carrière le lendemain matin (ou
plutôt le jour même, vu l'heure). Mélodie,
qui avait fini ses études en criminologie à dix-huit ans seulement, était également
considérée comme étant une personne à haut potentiel. Elle avait ainsi la
capacité de trouver une solution à n’importe quel problème, mais en même temps…
— Il doit se cacher quelque part et attendre qu'on baisse notre
garde... Peut-être que si on lançait une attaque préventive quelque part, on
arriverait à le faire sortir de sa cachette.
Cette fois-ci Croche décida d'intervenir. Même si Mélodie était son aînée,
c’était sa responsabilité de freiner ses ardeurs et l'empêcher de créer des
ennuis. Il sortit un petit tableau blanc et un marqueur, puis après avoir écrit
quelques mots, il les montra à sa sœur.
— Il n'est pas question que tu détruises quoi que ce soit cette fois
!
— Ne sois pas si dramatique, c'est uniquement pour...
— Non !
— Tsss... Ok, on s'en tiendra à la manière douce ce soir alors,
répondit Mélodie en boudant.
Croche soupira de soulagement. Mélodie avait un sens de la justice
particulièrement prononcé, mais elle avait également tendance à créer plus de
problèmes qu’elle n’en résolvait.
— Et pendant qu’on y est, pourquoi portes-tu cette cape ?
— Hm ? La cape est l’élément indispensable à tout super-héros,
voyons Croche… rétorqua Mélodie en se moquant de son frère. Tu ne le savais
pas ?
Croche soupira à nouveau, mais pas de soulagement cette fois-ci. Mieux
valait ne pas trop chercher à comprendre ce qui se passait dans la tête de Mélodie.
Le plus important était de veiller à ce qu’elle ne fasse pas trop de bêtises.
Et c’est fort de l'instinct de survie de ses ancêtres les pandas roux, qu’il
accomplissait cette mission.
... Oui, car aussi surprenant que cela puisse paraitre, Croche était un
panda roux évolué. Il faisait partie des rares mammifères ayant évolué pour acquérir
une intelligence égalant celle des humains. A une époque cela aurait pu être déconcertant,
mais lorsque les premiers animaux évolués sont apparus, la plupart des humains
ont commencé à développer des superpouvoirs. De nos jours, plus personne ne
s’étonnait de quoi que ce soit.
L'autre particularité de Croche, était qu'il était muet. Non pas parce
qu'il était un panda roux, mais à cause d'un accident survenu dans son enfance.
C'est pour pallier ce handicap qu'il ne se séparait jamais de son tableau et de
son marqueur.
Une heure passa ensuite sans qu’aucun incident ne survienne. Croche, qui
continuait de surveiller la ville, commençait à tomber de sommeil. Lorsqu’il se
tourna vers Mélodie pour lui proposer de s’arrêter là pour cette nuit, il vit
qu'elle avait déjà abandonné son poste pour faire des poses bizarres.
— Mais qu’est-ce que tu fais ?
— Je m’entraîne à faire des poses de victoire en prévision de mes
futurs exploits.
— … Et où est passée ton idée de surveiller la ville ?
— Faire le guet quand rien ne se passe, c’est ennuyant.
— Si tu en as déjà assez, moi je rentre me coucher, répondit Croche
en se dirigeant vers l’escalier pour redescendre.
— Non attends, supplia Mélodie en agrippant les épaules de Croche.
— Si je t’ai laissé faire le guet tout seul, c’est avant tout un
signe de toute la confiance que j’ai en toi.
Croche ne put s’empêcher de détourner son regard de celui de Mélodie dont
les yeux brillaient de milles éclats. C’était le genre de regard qui ne
présageait rien de bon.
— Rentrons maintenant, reprit-il. Il faut qu'on aille dormir.
— Quoi, déjà ? protesta Mélodie. Tu ne sens pas qu'une société
secrète composée des pires super-vilains au monde va bientôt se manifester ?
— Si tu ne dors pas assez, tu vas arriver en retard pour ton premier
jour. (Et depuis quand on est passé d’un super-vilain isolé à une société
secrète ?)
— Pfff... Parle pour toi, le nargua Mélodie. Je suis une adulte,
moi. Je peux rester éveillée tard sans le moindre problème, contrairement à un
enfant comme toi.
Mélodie continua de se moquer de son frère, les poings sur les hanches et
la poitrine gonflée. Croche se renfrogna face à cette jeune femme parfois
tellement immature. Elle n'avait fêté son dix-huitième anniversaire que la
semaine passée et se prétendait déjà adulte. Il aurait voulu lui signaler que même
s’il était plus jeune qu'elle, les pandas mûrissaient bien plus rapidement que
les humains.
Acculé, Croche décida de recourir à la manière forte. Profitant de
l'inattention de sa sœur, il sortit son téléphone portable et envoya un message
à la personne que craignait le plus Mélodie.
«Lalalala la lala lalala... ♪»
Quelques secondes plus tard, la sonnerie du téléphone de Mélodie
retentit.
— Super-héroïne Mélodie à l'appareil. Quel est votre problème ? Un
robot géant construit par une société secrète ? Ou alors…
Réalisant l'identité de son interlocuteur, Mélodie se raidit de peur.
— B… bien sûr que non, je ne suis pas debout à cette heure. Je...
—...
— Comment est-ce que tu es au courant ? répondit Mélodie en se
tournant vers Croche avec un regard accusateur.
— Mais la ville a besoin de moi...
— Comment ça, les super-vilains dorment la nuit ?
— Mais je...
— Mais enfin je suis une adulte maintenant et je...
— Oui, je te le promets. Je vais me coucher maintenant.
— Bonne nuit...
Après avoir raccroché, Mélodie poussa un soupir et se tourna vers son
frère.
— C'était maman. Il semblerait qu'un mystérieux informateur l'ait
contactée pour lui dire qu'on veillait tard le soir. Tu ne saurais pas qui par
hasard ?
Afin de ne pas détruire sa couverture, Croche siffla nonchalamment en
évitant de croiser le regard de sa sœur.
Après une longue minute à le scruter de son regard perçant, Mélodie
abandonna et décida finalement d'aller dormir.
Une longue journée à combattre le crime les attendait.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire